Pâturage : les leçons à tirer d'une prairie « Cifou » entre deux maïs
Avec la chambre d'agriculture du Calvados, Hervé Fains a testé des mélanges prairiaux sous couvert de maïs. L'objectif est double : couvrir le sol jusqu'au maïs de l'année suivante et développer le pâturage à l'automne et au printemps. Résultat mitigé, mais des améliorations sont possibles.
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En zone vulnérable, la réglementation relative à la directive nitrates impose de couvrir les sols nus l'hiver. Positivant cette exigence, bon nombre d'éleveurs laitiers implantent le plus souvent un ray-grass d'Italie qu'ils ensilent avant le semis du maïs. D'autres pratiques voient le jour, telles que des associations de céréales et protéagineux. Ce que dans le jargon de la directive nitrates, on appelle des cultures intermédiaires fourragères ou « Cifou ». Gérard Bavière, de la chambre d'agriculture du Calvados, et Hervé Fains, éleveur (ci-contre) achèvent le test d'une autre option : une prairie de 3,2 ha semée sous couvert de maïs, à pâturer par les vaches à l'automne et au printemps. Le résultat est mitigé.
UNE ROTATION MAÏS-MAÏS-CULTURE DE VENTE
« La prairie rentre dans une rotation qui intègre deux maïs cultivés à la suite puis une céréale à paille. La parcelle est proche de la stabulation, indique Gérard Bavière. Face à l'accroissement du troupeau de 15 vaches et dans un souci d'autonomie protéique, l'objectif est d'augmenter les possibilités de pâturage en le prolongeant à l'automne et en avançant la mise à l'herbe d'une à deux semaines au printemps. » « Je ne pratique pas la monoculture du maïs, insiste de son côté Hervé Fains, mais avec deux tiers de ma surface fourragère en prairies sur une SAU limitée à 65 ha, je suis obligé de cultiver du maïs sur la même parcelle deux années consécutives. Les cultures intermédiaires permettent de contenir l'installation de mauvaises herbes. »
Le 26 juin 2014, entre les rangs d'un maïs haut de 39 cm, quatre bandes de 8 m sont donc semées sur toute la longueur de la parcelle avec une herse étrille large de 6 m, équipée d'un semoir pneumatique à huit descentes. « Semer à 39 cm était limite, 30 cm sont une hauteur plus appropriée. Peu de pieds de maïs ont été déchaussés », observe Gérard Bavière. Quatre mélanges prairiaux sont implantés. Ils sont composés de 8 kg de ray-grass italien non alternatif ou de ray-grass hybride, de 4 kg de colza fourrager de type hiver et de 6 à 8 kg de trèfles (selon les mélanges, trèfles incarnat, d'Alexandrie, de Perse, ou blanc). Trois bandes comportent aussi 8 à 11 kg de vesce. « Ces doses équivalent à 40 % de la dose pure de ray-grass et colza fourrager, et de 20 à 30 % pour les trèfles et vesce. Le but est d'identifier le mélange le plus adapté à un pâturage d'automne et sa reprise au printemps. »
DEUX RAISONS AU RÉSULTAT DÉCEVANT
Le temps très poussant de juillet 2014 a permis aux différents mélanges de bien lever. C'est le seul élément vraiment positif de l'expérience. Les vaches n'ont pas pâturé à l'automne et ont bénéficié d'un pâturage limité au printemps.
1. Ray-grass étouffé par le maïs. « L'habitude dans cette partie du bocage virois est d'ensiler le maïs vers le 10-12 octobre. Il aurait fallu ensiler dix jours plus tôt. Étouffés par le maïs, les ray-grass italien et hybride n'ont pas eu assez de temps pour retrouver une végétation suffisante et ainsi envisager un pâturage. » Rappelons que ce sont les ray-grass qui sécurisent la biomasse d'une herbe pâturée. Le colza fourrager et les légumineuses (trèfles et vesce) ont quasi disparu des mélanges. « De quoi s'interroger sur leur intérêt dans un semis sous couvert de maïs », en conclut Gérard Bavière.
2. Au printemps, un pâturage plus tardif que prévu. Les RGI et RGH ont bien récupéré à la sortie d'hiver, mais pas assez vite pour un pâturage le 15 ou 20 mars. Les deux graminées avaient été choisies pour leur précocité. « Le sol se ressuie pourtant bien, mais les températures froides de février et le vent de mars ont ralenti la pousse. Les vaches sont entrées dans la parcelle le 2 avril, regrette Hervé Fains. De ce fait, j'ai débrayé un autre paddock pour l'ensilage. Je n'ai donc pas gagné en surface pâturée. » Les vaches sont restées 5 jours, avec 11 kg de MS/vache de maïs-ensilage. « La petite part de colza est montée en tige. Elles l'ont consommée, mais ce n'était pas l'idéal. »
Un second passage satisfaisant. Elles sont revenues le 3 mai pour 11 jours avec 3 kg de MS de maïs. « Je suis agréablement surpris de ce second pâturage. Sans doute les 50 kg d'azote/ha juste après le premier ont-ils boosté le ray-grass. Les trèfles, eux, sont peu présents, et dans les trous. Cela vaut-il la peine de mettre 6 à 8 kg/ha de trèfles dans le mélange sachant que c'est assez onéreux ? » Le nouveau maïs est semé le 15 mai.
TROIS PISTES D'AMÉLIORATION
Pour Gérard Bavière, des leçons sont à tirer de l'essai.
1. Ensiler le maïs au plus tard le 1er octobre. Accédant plus tôt à la lumière,le couvert végétal relancera plus rapidement son processus de croissance. Sélectionner une variété de maïs précoce pour une récolte fin septembre.
2. Revenir à des doses normales de ray-grass. Ces graminées sont la valeur sûre du mélange prairial. Il faut lui donner les moyens de résister à l'action étouffante du maïs, en revenant à 15 à 20 kg/ha de semences, avec l'espoir d'avancer la mise à l'herbe à la mi-mars.
3. Accepter un pâturage limité à l'automne. Si les conditions météo sont poussantes, on peut espérer une petite pâture d'automne. Faut-il tout de même tenter un mélange avec du colza fourrager d'hiver et un trèfle agressif ? « En semis sous couvert de maïs, tout ce qui n'est pas ray-grass est aléatoire », répond l'agronome. Si on l'envisage, semer le RG à 15-16 kg/ha, sinon à 20 kg.
CLAIRE HUE
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